dimanche 15 octobre 2017

Le buffet présidentiel de Rungis: On se sert?

Le discours que le Président Macron a servi au monde agricole à Rungis est riche de promesses, de belle présentation, voulant sans doute plaire à tous les palais.

Au risque de faire tourner de l’œil les moins préparés à un tel festin, ou de rendre les pessimistes soupçonneux de la fraîcheur des mets.

Une certitude: si les agriculteurs ne se mettent pas à table, et avec entrain, ils resteront une nouvelle fois, paradoxe pour des producteurs de nourriture, le ventre vide.

Bien des observateurs dénoncent déjà les mesures annoncées comme vaines, contradictoires, de pure forme. Mais ils semblent tenir pour acquis que les agriculteurs resteront cantonnés dans leur position de faiblesse, irrémédiablement.

Alors attaquons sans attendre par le plat de résistance.

"Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production"

Il est évident que cette loi n'a d'intérêt que si elle résulte dans une réelle et suffisante hausse des prix. Il ne doit pas seulement s'agir d'une référence indicielle dans une formule à nos coûts de production.
Nos prix de vente doivent permettre de rémunérer notre travail en tout temps.
Au corps législatif d'y veiller.
A nos organisations de rédiger nos contrats de vente.
 
"Nous devons avoir des résultats probants avec de véritables organisations de producteurs commerciales pour le lait, par exemple."

C'est la proposition phare du président permettant de renforcer les organisations de producteurs, de leur donner les outils pour leur garantir de tenir leur place dans la filière, les interprofessions: leur redonner enfin la maîtrise de l'acte de vente, de la gestion des volumes.
Aux producteurs de vendre leur lait, aux transformateurs de le transformer en produits laitiers, aux circuits de distribution de les vendre aux consommateurs.
Chaque maillon doit conserver sa juste part de la valeur de cette chaîne, doit être en mesure de le faire lors des négociations.

"Je suis favorable au relèvement du seuil de revente à perte économique pour les produits alimentaires et à l’encadrement des promotions afin que le juste revenu aux producteurs soit garanti".

Cette mesure est décriée comme vaine par certains qui pensent que les transformateurs conserveront ces gains sans les redistribuer aux producteurs.
C'est bien le coeur du problème de la construction du prix, SRP ou non. Quelle part revient aux producteurs? Quelle vérité quand on leur rétorque: "On ne peut vous payer plus cher, c'est ainsi".
Des organisations de producteurs commerciales fortes, mieux informés et mieux formées seront à même de chercher la juste valeur, de la négocier, de l'exiger.
Et ce relèvement du SRP, qui bénéficiera aux coopératives de transformation bien entendu, devra mécaniquement être reversé aux producteurs, soit via un prix plus élevés, soit via les ristournes permises par les résultats économiques améliorés des coopératives.
 
"Si nous sommes responsables collectivement, vous avez votre part de responsabilité derrière la réforme que le gouvernement est prêt à porter"

Nous, agriculteurs, ne pouvons plus nous abandonner à la résignation, l'aveuglement au travail. Nous avons le droit d'être sévères envers ceux qui captent la valeur de notre travail, mais nous n'avons plus le temps de nous y complaire.

Nous avons donc le devoir de nous organiser, de rédiger attentivement nos contrats de vente, de définir nos prix de vente, de nous informer au mieux, grâce à la transparence imposée à nos acheteurs, d'imposer nos conditions autant que l'Autorité de la concurrence nous le fera savoir avec pédagogie.

En parallèle les coopératives ont désormais le devoir de partir du coût de production des coopérateurs, qui leur ont délégué, par statut, le pouvoir de vente de leur production, pour déterminer le prix d'achat des matières premières.
Elles ont le devoir de généraliser l'aspect équitable, juste, pérenne dans leur choix de transformation et de commercialisation.
Elles ont un devoir réaffirmé de transparence et de démocratie dans leur gouvernance, d'avoir toujours comme premier objectif la meilleure valorisation possible de la production des coopérateurs.
Rappelons que les coopératives collectent et transforment presque la moitié du lait en France.

Nous avons le choix de la résignation, puis du silence, ou de l'organisation en saisissant et prenant au mot les promesses présidentielles faites à Rungis.
A nous de montrer notre détermination pour l'avenir, au Président et à son gouvernement de nous fournir le cadre législatif et les outils de négociation promis.

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